Dans le précédent article « Comment tuons-nous la créativité sans le vouloir ?», nous avons vu que tant l’individu que l’organisation pouvaient involontairement être délétères vis-à-vis de la créativité. Ces hypothèses posées, quelles seraient dès lors le moyen de inversement « favoriser » la créativité ?
En général, tout atelier de créativité commence par le rappel de 4 règles de base :
Écouter et s’écouter pour suspendre son jugement,
Accueillir les idées inhabituelles et rebondir sur cette matière brute (qui appartient au groupe)
Être productif (quantité plus que qualité)
Être dans la bienveillance et non polémique
Mais si ces 4 règles de base sont nécessaires, elles sont totalement insuffisantes car la réussite d’un atelier de créativité se joue en amont et se juge en aval et pour cela 5 leviers sont à considérer
Agir sur la culture, l'environnement, les participants, la tâche, la dynamique du groupe sont les 5 leviers pour favoriser la créativité.
1- Agir sur la culture
Au niveau de l’organisation, il faut accepter (ou tenter) d’abandonner ses réflexes commande / contrôle et d’aversion à l’échec que des organisations tayloriennes ont développées pendant des décennies. En effet, vouloir contrôler le résultat d’un atelier créatif ou penser qu’il produira des concepts forcement pertinents sont, on le comprend aisément, de fortes limitations à la créativité. Inversement, en tant que manager, poser et partager clairement les enjeux, s’investir en amont/aval et faire confiance à l’intelligence et l’ingéniosité du groupe sont de forts leviers pour engager le groupe.
2 - Agir sur les participants
La composition du groupe est clé. Construire un atelier de créativité, c’est identifier les personnes qui auront cette capacité́ à être expansif, à débattre au sein d’un groupe et à gérer les conflits.
Au-delà de ces qualités humaines, il faut aussi trouver un équilibre entre les experts du sujet, les « naïfs » voir des tiers externes (designer, experts dans des domaines connexes). Et entre ceux qui donnent des idées (sans vouloir les développer), les amoureux du détail et ceux qui aiment mettre en œuvre.
Par manque de temps, de logique interne, de facilité, l’importance de la construction du groupe est malheureusement souvent sous-estimée.
3 - Agir sur l’environnement
Nous ne nous attarderons pas sur ce point car de plus en plus les entreprises ont pris conscience de la nécessité de mettre à disposition des environnements et de matériels adaptés.
A défaut d’espace accessibles, rappelons ici que la créativité se joue aussi par le corps et que la construction manuelle permet de modeler ses idées sans passer par le filtre de la parole (voir méthode #LegoSeriousplay). Ainsi l’espace doit permettre de se mouvoir, d’être modulable, de « penser avec les mains » tout en pouvant s’en extraire pour favoriser l’incubation / excubation des idées (ex : promenade).
4 - Agir sur la tâche
Ici 2 aspects fondamentaux sont à considérer : le design de l’atelier et la front facilitation.
Le design de l’atelier se nourrit et se construit de divers éléments comme l’identification des attentes, du « vrai » problème à résoudre, des outcomes attendus, de l’historique, des connaissances minimales, des méthodes adaptées à activer, des participants, de la logistique, du temps alloué …
Un atelier se décompose en général en 7 étapes qui nécessitent toutes une attention particulière : inclusion, échauffement, embarquement, ouverture, idéation, décision, clôture.
Il s’appuie sur une co-construction avec le sponsor, clé de voute du dispositif car garant de la légitimité de l’atelier et des moyens alloués pendant et surtout après.
Designer un processus créatif c’est enfin construire un fil rouge qui va permettre de garder les participants dans le Flow Créatif (Cf Schéma). Car être créatif sur des problématiques complexes nécessite d’accompagner les participants dans cette montée en complexité.
5 - Agir sur la dynamique du groupe en front facilitation
La facilitation en Intelligence collective est alors possible en s’appuyant sur ce fil rouge, véritable ligne de vie, qui permet au facilitateur de faire face à l’inattendu.
On notera l’importance de s’appuyer sur des facilitateurs expérimentés car ils seront en mesure de gérer l’énergie du groupe, d’échauffer le cerveau, d’activer les émotions stimulantes (colère, peur, joie), de cadrer le travail dans l’abstraction (pour éviter une convergence trop prématurée), de favoriser l’ouverture (en nourrissant le groupe avec d’autres apports), de forcer le croisement des idées mais aussi, d’atterrir pour transformer cette matière en un livrable exploitable.
L’atelier de créativité a aussi cette vertu car, en ouvrant les possibles, il (re)questionne le problème lui-même et le renforce.
En regard des limitations de l’individu et de l’impact de l’organisation, il existe donc des règles simples pour favoriser la génération d’idées. Reste que si générer des idées est finalement assez naturel, l’un des enjeux de l’atelier de créativité est plus dans la sélection. Mais sélectionner la/les bonne(s) idée(s) pour le bon problème, c’est déjà s’assurer que l’on traite le bon problème.
L’atelier de créativité a dès lors aussi cette vertu car en ouvrant les possibles, il (re)questionne le problème lui-même
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